יד תבלין
שהם שניים או שלושה שמות ממין אחד,
או
שלושה מינין משם אחד--מצטרפין
לתבל ולאסור,
וכן
לחמץ.
כיצד:
שאור
של חיטין ושאור של שעורין--הואיל
ושם שאור אחד הוא--אינן
כמין ושאינו מינו,
אלא
הרי הן כמין אחד;
ומצטרפין
לשער בהן כדי לחמץ בעיסה של חיטין,
אם
היה טעם שניהן טעם חיטין,
או
כדי לחמץ בעיסה של שעורין,
אם
היה טעם שניהן טעם שעורין.
טו שלושה
שמות ממין אחד כיצד:
כגון
כרפס של נהרות וכרפס של אפר וכרפס של
גינה--אף
על פי שלכל אחד מהן שם בפני עצמו--הואיל
והן מין אחד,
מצטרפין
לתבל.
Et
le Raavad note sur cette dernière halakha :
אע"פ
שכל אחד מהם וכו'
. א"א
זה אינו כלום שהרי כל אלה שם אחד הוא שהרי
חמירא דחיטי וחמירא דשערי וחלא דחמרא
וחלא דשכרא חד שמא חשיב להו בע"ז
ועוד השמות הללו איסורין הן:
L'analyse
de ces passages à la lumière des commentaires de Rashi et de
Tossefot amène à plusieurs remarques (je laisse pour l'instant de
côté l'analyse de la combinaison des levains et son lien avec la
problématique de min be-mino ; nous y reviendrons bs''d plus
tard) :
- En XVI, 15, Rambam a la même shita que Rashi, à savoir que le shem de la Mishna signifie un nom véritable (shem mamash) et non une catégorie halakhique. Plus encore, le shem est compris comme une sous-espèce du min : karpas shel neharot, karpas shel efer et karpas shel gina sont de même min et de shem différents, c'est-à-dire que le min est indiqué par le premier nom (karpas) et le shem est indiqué par le déterminant (shel neharot etc.), comme chez Rashi où pilpel indiquait le min et lavan, shahor, etc. indiquaient le shem. Ceci correspond à la reisha de la mishna. Là-dessus le Raavad vient apporter une double remarque : d'une part que l'exemple donné par Rambam où le premier nom est le min et le second le shem revient en réalité aux exemples cités par Rava (hala de-hamira ve-hala de-shikhra etc.) dans lesquels il est explicite que c'est au contraire le premier nom qui est le shem et le déterminant qui renvoie au min « naturel », d'autre part que l'expression « shem » dans la mishna désigne une catégorie d'interdits. On reconnaît là la shita de Tossefot – en apparence.
- En apparence seulement parce que l'argument qu'il met en œuvre n'est pas du tout le même que celui de Tossefot, et pour cause : Raavad et Rambam partagent une shita qui est aux antipodes de l'hypothèse de départ partagée par Rashi comme par Tossefot. On se rappelle que pour Rashi le shem ne pouvait être qu'une sous-espèce du min, qu'il était impossible, si on comprenait shem comme shem mamash, qu'il existe des tavlin de même shem et de min différent. Tossefot était d'accord sur ce point, précisant même que dès lors que des tavlin étaient de min différent, le fait qu'ils partagent le même shem relevait de la pure homonymie et ne saurait avoir de signification halakhique. Cependant, comme la suite de la mishna envisageait le cas de figure où des tavlin étaient de même shem et de min différent, Tossefot concluait que shem signifiait issur. Chez Rashi comme chez Tossefot, la notion de shem dans la mishna était en tout cas complètement dissociée de la notion de shem utilisée par Rava, qui envisage des éléments de même shem et de min différent et pour qui shem ne signifie clairement pas issur. Or Rambam (XVI, 14) reformule au contraire la seifa de la mishna pour exprimer en réalité la shita de Rava. Il considère donc que shem dans la mishna ne signifie pas issur, que le sens de shem est identique dans la mishna et chez Rava, et qu'il est possible d'envisager des éléments de min différent et de même shem mamash dans la mishna même. Raavad admet également cela en termes de psak, à savoir que le shem (selon la définition de Rava) fonctionne comme une sur-catégorie qui couvre plusieurs minim ; ce qu'il réfute au contraire, c'est la définition de Rashi pour qui le shem fonctionne comme une sous-espèce du min. Pour lui, que l'on ajoute un déterminant à « karpas » ou à « pilpel » n'est pas signifiant halakhiquement : non seulement les tavlin en question restent de même min mais ils restent aussi de même shem. Il s'agit donc de l'argument inverse de Tossefot : dès lors que des tavlin font partie du même min et partagent de ce fait un même shem principal, on ne voit pas pourquoi un shem secondaire viendrait changer quoi que ce soit. La seule façon de comprendre la reisha pour Raavad est donc de lire shem comme shem issur.
- Il reste encore à élucider comment Raavad comprend le rapport entre la reisha, où shem signifie issur, et la seifa, où shem est à comprendre selon Rava. Cette lecture de shem comme issur semble d'ailleurs partagée par Rambam en XIV, 6 :
Ce
qui paraît surprenant dans la mesure où il s'agit d'une lecture
qu'il rejette implicitement en XVI, 14-15.
- Sur cette halakha XIV, 6, Raavad note en outre :
יראה
לי שכל החייב בתרומה ובמעשרות וכו'. א"א
בעינן טעמן שוה כדאמרינן בעלמא ג'
שמות
והם מין אחד שלשה מינין והם שם אחד אסור
ומצטרפין ובירושלמי ניחא ג'
שמות
והן מין אחד ג'
מינין
והם שם אחד אמר חזקיה במיני מתיקה אלמא
אפילו באיסור אחד דהיינו שם אחד בעינן
טעם אחד והני שבעה מיני טבל לאו חד טעמא
נינהו
Autrement
dit, le fait de partager un shem issur n'est pas un critère
suffisant pour être mistaref, il faut encore recourir au critère de
Hezekia. On retrouve là, encore une fois, la mahloket entre Rashi et
Tossefot, maintenant quant à savoir si le critère de Hezekia est
encore pertinent une fois que Rava a établi que la mishna allait
selon Rabbi Meir pour lequel tous les issurim sont mistarefim :
Rambam penserait que non, comme Rashi, Raavad que oui, comme
Tossefot. Sauf que Rashi et Tossefot ne disaient pas explicitement
si, selon Rava, la halakha suivait Rabbi Meir sur ce point, et
Tossefot pouvait même laisser à penser que c'était bien le cas
(même si nous avons proposé une autre lecture de Tossefot sur ce
point en regard de Shabbat 89b). Pour Rambam et Raavad cependant, les
choses sont bien moins simples puisque Rambam est possek à la fois
que la halakha suit Rava (cf. XVI, 35), que la halakha ne suit pas
Rabbi Meir (XIV, 5) et que la halakha suit la mishna de Orla (II, 10)
puisqu'il la reprend en XVI, 14-15. Comment cette combinaison
est-elle possible, dès lors que Rava démontre que cette mishna doit
être comprise dans le cadre de la shita de Rabbi Meir ?
Telle
est la première question que formule le Pri
Hadash
(YD 98, sk 7) sur ce Rambam. Nous allons maintenant suivre le Pri
Hadash.
Le Pri Hadash explique qu'en réalité il convient de distinguer la lecture
qu'Abayé donne de la mishna, celle qu'en donne Rava, la façon dont
Abayé comprend la shita de Rava et la réponse que donne Rava à
Abayé dans le cadre de ce débat. Rava comprend la mishna de la
manière directe dont Rambam l'a reformulée : les tavlin sont
mistarefin s'ils sont de même min, même s'ils sont de shem
différent (reisha de la mishna), et ils sont également mistarefin
s'ils sont de même shem, même s'ils sont de min différent (seifa
de la mishna, o
shlosha minim
signifiant implicitement o
shlosha minim ve-shem ehad).
Min et shem sont deux critères également valides et chacun d'entre
eux est en lui-même suffisant. Abayé comprend imparfaitement que
pour Rava le shem est le critère suprême, supérieur même au min.
Il lui oppose donc à la fois la reisha de la mishna (pourquoi y
a-t-il tsiruf dès lors que le shem est différent) et la seifa telle
que comprise par Hezekia : si o
shlosha minim signifie
o shlosha minim
ve-shem ehad,
on voit bien que le shem n'est pas suffisant et qu'il est nécessaire
de recourir au critère du taam ; si o
shlosha minim signifie
o shlosha minim
u-shlosha shemot,
on voit bien que le shem n'est pas un critère pertinent, mais que le
taam l'est. Et Rava, quand il établit que la mishna va selon Rabbi
Meir, ne le fait que pour repousser l'argument d'Abayé à partir de
la propre lecture de ce dernier, c'est-à-dire celle qui fait
intervenir Hezekia : Rava rétorque à Abayé qu'on peut tout à
fait poser que pour Hezekia la seifa de la mishna serait o
shlosha minim u-shlosha shemot et
que, s'il y a quand même tsiruf, c'est parce que la mishna irait
selon Rabbi Meir pour lequel, ainsi que le disait Tossefot, il y a
tsiruf même quand le seul point commun est un critère « faible »
comme le taam. Mais cette nécessité d'établir la mishna selon
Rabbi Meir n'apparaît que lorsque l'on lit la seifa comme o
shlosha minim u-shlosha shemot ;
si on la lit comme o
shlosha minim ve-shem ehad,
on n'a plus besoin de faire appel ni à Rabbi Meir, ni à Hezekia,
puisqu'elle se comprend très simplement selon la shita de Rava.
Autrement
dit, pour Rava les critères qui définissent un min be-mino sont,
par ordre de validité : 1. min, 1bis. Shem, 3. taam (valable
seulement pour Rabbi Meir) ; pour Abayé ils sont 1. min, 2.
taam (shem n'est pas du tout un critère) ; et Abayé avait
compris que Rava pensait que seul le shem était un critère (à la
limite le min, et encore : nous reviendrons bs''d sur la
question de savoir pourquoi, pour Rava, du jus de raisin (« hamara
hadatha ») dans des raisins n'est pas min be-mino ; ce
n'est certes pas le même shem, mais n'est-ce pas le même min?).
On
comprend donc comment Rambam peut être possek à la fois comme Rava,
comme la mishna et contre Rabbi Meir : pour lui, Rava a une
lecture directe de la Mishna et ne l'établit comme Rabbi Meir que
dans le cadre de sa pirkha à Abayé, mais non a-liba de-hilkheta.
Reste à comprendre comment Rambam résoud le problème de Shabbat
89b, où la halakha semble bien suivre Hezekia, dont nous avons
montré qu'il lisait, lui, selon Rava, la mishna d'après Rabbi Meir.
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